Épisode 90

APRIL 19, 2023

Véronique Lauzière parle de l’évolution des investissements guidés par le passif (IGP) au Canada

Véronique Lauzière, directrice générale du développement des affaires, Gestion SLC, explique les raisons pour lesquelles le moment est opportun de revoir la stratégie de réduction des risques et les portefeuilles d’investissements guidés par le passif des régimes de retraite canadiens.

Steve Peacher : Bonjour à tous, et bienvenue à cet épisode de Trois en cinq. Je suis Steve Peacher de Gestion SLC. Aujourd’hui, je suis très heureux de m’entretenir avec Véronique Lauzière, qui représente Gestion SLC dans la province de Québec. Bonjour, Véronique, et merci de m’accorder quelques minutes.

Véronique Lauzière : Tout le plaisir est pour moi, Steve!

Steve Peacher : Aujourd’hui, nous parlerons d’un sujet sur lequel nous nous concentrons en tant que société depuis de nombreuses années, l’investissement guidé par le passif ou IGP. Il s’agit d’une stratégie de placement qui a été, je pense, largement exploitée par de nombreux fonds de pension canadiens depuis plusieurs années. Mais, cette stratégie de placement est en train de changer, en partie à cause de facteurs sous-jacents, en particulier les taux d’intérêt et la courbe des taux. Mais, j’aimerais tout d’abord expliquer pourquoi la stratégie d’investissement guidé par le passif est si pertinente dans le contexte actuel. Qu’est-ce qui a changé?

Véronique Lauzière : Je commencerai peut-être par définir ce qu’est l’investissement guidé par le passif, car cette notion peut revêtir différentes significations selon les investisseurs. Il y a différentes approches, mais, en général, l’on investit en tenant compte du passif. Avec la récente crise bancaire, l’importance de tenir compte du passif est devenue évidente, car nous avons vu tous les problèmes qui peuvent être causés si l’écart entre l’actif et le passif est trop important. Je ferai mes commentaires du point de vue du marché canadien, mais il y a beaucoup de similitudes avec les États-Unis. La première raison pour laquelle les investissements guidés par le passif sont pertinents aujourd’hui est la récente augmentation des taux. Au cours de l’année écoulée, la Banque du Canada a relevé ses taux de 425 points de base. Une telle augmentation n’a jamais été observée dans l’histoire récente. À titre de rappel, lorsque les taux augmentent, les prix des obligations baissent, ce qui signifie que les obligations sont aujourd’hui moins chères qu’elles ne l’ont été depuis longtemps.

Pour les régimes qui cherchent à réduire leur risque, il s’agit d’un point d’entrée intéressant. Mais je dois préciser que nous ne savons pas combien de temps cela durera, car ces occasions ont toujours été de courte durée. La deuxième raison est la santé financière des régimes de retraite. En 2022, nous avons assisté à une chute spectaculaire des actions et des titres à revenu fixe, qui a choqué de nombreux investisseurs. Malgré cela, les régimes de retraite sont toujours en bonne position, car ils ont obtenu de bons rendements avant l’année dernière. Ils se trouvent donc dans une position financière très solide, je dirais même plus solide que jamais. Ils peuvent donc maintenant se permettre de réduire les risques en bloquant une partie de ces gains. Enfin, le troisième point que j’aborderai est un thème plus large concernant les tendances démographiques. Les régimes de retraite arrivent à maturité, ce qui signifie qu’il y a plus de retraités et moins de travailleurs dans ces régimes. Ils ont donc plus de pensions à payer et ils ont besoin que la composition de leurs actifs produise des flux de trésorerie plus stables et plus sûrs. Et d’où proviennent généralement les flux de trésorerie stables et certains? Des titres à revenu fixe. Les investissements guidés par le passif (IGP) ne se limitent pas aux titres à revenu fixe, mais ils constituent un élément important de ces solutions. Pour résumer, je dirais que le moment est opportun pour mettre en œuvre ou revoir un programme d’IGP. Les régimes de retraite peuvent se le permettre et ils en ont généralement plus besoin.

Steve Peacher : Donc, si un régime de retraite envisage aujourd’hui de mettre en œuvre une stratégie d’IGP, que cherche-t-il à obtenir? Quel est l’objectif d’une solution IGP?

Véronique Lauzière : Il convient de noter que les IGP constituaient auparavant en de simples portefeuilles d’obligations, alors qu’ils sont désormais comme une stratégie de placement. Une stratégie d’IGP consiste à prendre en compte l’ensemble du portefeuille ainsi que les passifs afin d’élaborer une solution. Je vais vous donner un exemple très simple. Les infrastructures et l’immobilier n’étaient pas pris en compte dans les portefeuilles d’IGP dans le passé, mais les investisseurs commencent à reconnaître les avantages de ces deux catégories d’actifs dans la gestion des risques liés au passif, comme l’inflation par exemple. Les investisseurs ne se limitent donc plus aux titres à revenu fixe traditionnels lorsqu’ils pensent à l’IGP. Ils considèrent donc qu’il s’agit plutôt d’un cadre couvrant davantage de types d’actifs. Deuxièmement, les régimes de retraite ont généralement classé les actifs en deux catégories : les actifs de couverture du passif et les actifs de croissance. Dans le passé, ces deux catégories avaient des rôles très spécifiques et distincts. La stratégie de couverture consistait à répliquer le passif au moyen d’obligations. Les actifs de croissance consistaient en des actions, et leur rôle était de générer un rendement excédentaire. Comme je l’ai expliqué précédemment, en raison de l’arrivée à maturité des régimes, la couverture du passif représente désormais une part plus importante du portefeuille global et le pourcentage d’actifs de croissance diminue en conséquence. Cela signifie que les investisseurs exigent un rendement plus élevé de ce volet du portefeuille, ou de cette couverture du passif, afin de maintenir un profil de rendement global intéressant.

Steve Peacher : Donc, comme vous l’avez mentionné, les IGP sont aujourd’hui considérés comme une stratégie de placement que les régimes de retraite, avec votre aide, mettre en œuvre dans leurs portefeuilles. Mais, comment y parviennent-ils, étant donné que le contexte est en train de changer? En effet, ils peuvent aujourd’hui envisager d’investir dans une base d’actifs plus large, les taux d’intérêt sont à un niveau différent, les ratios de financement des régimes de retraite sont meilleurs. Comment s’y prennent-ils?

Véronique Lauzière : Comme je l’ai mentionné, la couverture du passif est un élément clé, car le besoin de rendement est plus important dans ce domaine. Il y a donc plusieurs façons pour les investisseurs d’essayer d’obtenir plus de rendement dans cette catégorie. Par exemple, ils investissent davantage dans le crédit. Ils restent donc prudents dans le risque qu’ils prennent, tout en le diversifiant correctement. Mais, nous constatons que les titres de qualité inférieure font désormais partie d’une stratégie d’IGP. Cela a l’avantage de stimuler les rendements, mais aussi de diversifier le crédit traditionnel de qualité. Une autre façon d’augmenter les rendements consiste à rechercher une prime de liquidité dans des actifs tels que la dette privée, lorsqu’il est possible d’ajouter une telle catégorie d’actifs. La dette privée est très similaire à bien des égards à la dette publique, mais vous obtenez une prime de risque du fait que l’actif est liquide et qu’il y a de multiples barrières à l’entrée. Les régimes de retraite canadiens recherchent généralement des produits à revenu fixe canadiens, mais il est important de comprendre que le marché canadien des obligations de sociétés est assez limité, surtout en ce qui concerne les titres à long terme, dans lesquels de nombreux régimes de retraite veulent investir. Les investisseurs ont donc deux possibilités pour résoudre ce problème. Soit ils achètent des obligations canadiennes à plus court terme et ajoutent un effet de levier pour obtenir une durée plus longue. Soit ils essaient d’utiliser d’autres marchés. Par exemple, vous pouvez acheter une obligation américaine à plus long terme et la ramener au Canada en couvrant le risque de taux d’intérêt et le risque de change en ayant recours aux produits dérivés. Ce que vous faites essentiellement, c’est que vous isolez le risque de crédit de l’obligation américaine. En l’associant à une obligation fédérale canadienne, on crée ce que j’appelle une obligation synthétique de société canadienne. En résumé, je pense que c’est un moment très intéressant pour les régimes de retraite de réexaminer leur stratégie d’atténuation de risques et leurs portefeuilles d’IGP. De nombreux outils sont disponibles. Des stratégies et solutions innovantes sont plus accessibles que jamais. Dans un autre épisode, vous aviez mentionné que les titres à revenu fixe ont recommencé à produire des revenus, et je pense que cela crée de nombreuses occasions qui n’existaient tout simplement pas au cours des dix dernières années. Je pense donc que nous allons entendre parler davantage des avantages pour les régimes de retraite de mettre en œuvre une stratégie d’IGP au cours des deux prochains mois.

Steve Peacher : Les 20 à 30 dernières années ont été, à certains égards, très difficiles pour les directeurs de placements et les équipes de surveillance des régimes de retraite. Au fil des ans, plusieurs investisseurs croyaient que les taux suivaient une tendance baissière qui n’était pas prête à renverser. Les régimes de retraite avaient donc décidé d’attendre que les taux remontent. Et, plus les taux baissaient, plus les régimes de retraite qui n’avaient pas mis en place une solution d’IGP en souffraient, car la baisse des taux est particulièrement dommageable pour les régimes de retraite à long terme. Ils avaient misé sur la probabilité que les taux allaient remonter. Un coup de chance, n’est-ce pas?

Véronique Lauzière : Exactement.

Steve Peacher : Nous constatons enfin une augmentation des taux. Ainsi, pour les régimes de retraite qui n’ont pas mis en œuvre une solution d’IGP il y a des années et qui attendaient le moment propice, je crois qu’on y est.

Véronique Lauzière : Oui.

Steve Peacher : Dans une certaine mesure, nous essayons de tirer la sonnette d’alarme en disant que non seulement vous avez une chance que vous n’avez pas eue, mais qu’il y a une façon plus large d’envisager les choses. Vous pouvez envisager d’utiliser de nouvelles catégories d’actifs à des fins de couverture, offrant des rendements plus élevés. C’est donc une période très stimulante pour y réfléchir. C’est un vaste sujet. Nous pourrions y consacrer beaucoup plus de temps, mais je suis heureux qu’on en ait parlé aujourd’hui. Permettez-moi de changer complètement de sujet. Fidèle à mon habitude, j’aime poser une question d’ordre personnel à mes invités. Je sais que votre famille possède une cabane à sucre qu’elle gère, semble-t-il, depuis longtemps. Pourriez-vous nous en parler un peu?

Véronique Lauzière : Avec plaisir! C’est la famille de mon mari qui en est propriétaire. C’est en fait son grand-père et son oncle qui possédaient la cabane à sucre. C’est un endroit magnifique. La cabane à sucre est l’endroit où toute la famille se réunit. Le début du printemps est la saison des sucres, du sirop d’érable. Toute la famille participe aux travaux, notamment, à recueillir la sève dans les chaudières afin de la faire bouillir, afin d’en fabriquer des friandises au sirop d’érable. C’est une très belle tradition familiale, et c’est aussi une activité très agréable pour les enfants et une belle occasion de passer du temps en plein air.

Steve Peacher : Le sirop d’érable de votre cabane à sucre est-il distribué, vendu? Et pour ceux d’entre nous qui résident aux États-Unis, peut-on trouver des produits de votre cabane à sucre aux États-Unis, ou vendez-vous vos produits seulement localement?

Véronique Lauzière : C’est une petite cabane à sucre. Nous ne pouvons pas distribuer le sirop d’érable à grande échelle, mais il existe au Québec une fédération à laquelle vous donnez une partie de votre production en échange d’un prix stable pour le sirop d’érable. C’est donc une autre façon d’accéder au sirop d’érable du Québec. En revanche, nous invitons toujours beaucoup d’amis et de membres de notre famille durant le temps des sucres afin qu’ils puissent en profiter aussi.

Steve Peacher : C’est fascinant. Merci, Véro, d’avoir pris le temps de répondre à mes questions au sujet des IGP. Nous pensons que c’est un sujet auquel les caisses de retraite devraient réfléchir sérieusement parce qu’il y a d’excellentes occasions sur ce marché qui n’étaient pas disponibles au cours des dernières années. C’est donc un sujet important à aborder. Merci encore, Véronique.

Véronique Lauzière : Merci, Steve.

Steve Peacher : Je remercie également tous nos auditeurs d’avoir regardé cet épisode de Trois en cinq. À bientôt.

 

Ce balado est destiné uniquement aux investisseurs institutionnels. Les renseignements fournis dans ce balado ne doivent en aucun cas tenir lieu de conseils particuliers d’ordre financier, fiscal, juridique ou comptable ni en matière d’assurance et de placement. Ils ne doivent pas être considérés comme une source d’information à cet égard et ne constituent pas une offre d’achat ou de vente de valeurs mobilières, ni de services d’assurance ou de placement. Les investisseurs devraient obtenir l’avis d’un conseiller professionnel avant de prendre une décision en fonction des renseignements fournis dans ce balado. Ce balado peut contenir des renseignements ou des énoncés qui tiennent compte d’attentes ou de prévisions liées à des événements futurs. Les énoncés prospectifs sont de nature spéculative et peuvent faire l’objet de risques, d’incertitudes et d’hypothèses qui pourraient différer de façon importante des énoncés. Par conséquent, n’accordez pas de confiance excessive à ces énoncés prospectifs. Toutes les opinions et tous les commentaires formulés sont susceptibles de changer sans préavis et sont présentés de bonne foi sans responsabilité légale.

 

SLC-20230403-2825993