Épisode 93

May 10, 2023

D.J. Lucey parle du marché des titres adossés à des créances hypothécaires commerciales (TACHC)

Daniel J. Lucey Jr., CFA, directeur général principal et gestionnaire de portefeuille principal à Gestion SLC, aborde la question de la pression exercée sur le marché des titres adossés à des créances hypothécaires commerciales, de son évolution depuis 2008 et des occasions à saisir pour les investisseurs.

Steve Peacher : Bonjour tout le monde, ici Steve Peacher, président de Gestion SLC, et je vous remercie d’être à l’écoute d’un autre épisode de la série de balados Trois en cinq. Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’être en compagnie de D.J. Lucey, qui est directeur général principal et gestionnaire de portefeuille principal de notre équipe responsable des placements à revenu fixe. Merci, D.J., d’avoir accepté mon invitation.

D.J. Lucey : Tout le plaisir est pour moi, Steve.

Steve Peacher : Aujourd’hui, nous nous entretiendrons donc d’un sujet vraiment d’actualité, les titres adossés à des créances hypothécaires commerciales, ou TACHC. Ce secteur a été soumis à une forte pression parce que le secteur de l’immobilier commercial est sous pression. Les gens sont préoccupés par les valorisations et les fondamentaux, en particulier dans le secteur des bureaux. C’est donc le bon moment pour parler des TACHC. D.J., permettez-moi de commencer par vous poser les questions suivantes : quelle est l’exposition typique d’un portefeuille de TACHC au secteur des bureaux, un secteur qui préoccupe tout le monde? Quelle est l’exposition typique au secteur des bureaux dans le cadre d’une opération sur TACHC typique? Quel est votre point de vue, et quel est le point de vue de votre équipe sur le secteur des bureaux?

D.J. Lucey : Une opération sur TACHC comporte environ 30 % de placements dans le secteur des bureaux. Cette proportion est parfois moins importante, parfois un peu plus importante. Dans une opération de financement par emprunt obligataire, il y a entre 30 et 100 prêts ou plus, et il y a les autres grands segments à considérer dans l’immobilier commercial. Il y a donc la vente au détail, qui s’en est plutôt bien tirée tout au long de la pandémie de la COVID-19. Il y a les secteurs de l’hôtellerie et des loisirs. Si vous avez récemment essayé de réserver une chambre d’hôtel, vous avez dû constater combien ces établissements sont remplis, particulièrement dans certaines destinations, en raison de la recrudescence du nombre de voyageurs dans la foulée de la pandémie de la COVID-19. Il en va de même pour le secteur industriel, par exemple, et les immeubles collectifs. Le secteur des bureaux représente donc une grande partie du marché des TACHC, et je pense que les pressions qui s’exercent sur ce dernier sont bien connues et aiguës. Mais il y a de nombreuses façons d’investir sur le marché des TACHC sans être exposé directement au secteur des bureaux. Ainsi, certaines des opérations que nous effectuons ne comprennent pas plus de 15 ou 20 % de titres du secteur des bureaux. Il est donc important de comprendre que, lorsque les gens pensent à l’immobilier commercial, ils pensent immédiatement au secteur des bureaux. On en parle beaucoup, et la tendance au travail à domicile est certainement plus structurelle que nous l’avions estimé au cours de la pandémie de la COVID-19. C’est donc notre point de vue. Il y a beaucoup d’occasions, autant dans les titres de qualité supérieure du secteur des bureaux, qui se portent très bien, que dans d’autres segments de l’immobilier.

Steve Peacher : Vous savez que le secteur des TACHC a été au cœur, dans une certaine mesure, de la grande crise financière de 2008-2009. Parlez-nous donc de l’évolution du secteur des TACHC depuis la grande crise financière, il y a maintenant presque 14 ou 15 ans. Les opérations sur TACHC sont-elles aujourd’hui mieux à même de résister au stress qu’à l’époque de la crise financière de 2008?

D.J. Lucey : C’est un excellent point, Steve. Je pense vraiment que, non seulement aujourd’hui, mais aussi durant la pandémie de la COVID-19, le fait d’avoir 2008 dans le rétroviseur a contribué à rendre le marché plus résilient qu’il ne l’aurait été autrement, ce qui s’est traduit par la manière dont les opérations ont été structurées en 2009-2010 dans la foulée de la crise financière de 2008. Autrement dit, nous n’avons pas vu de pertes importantes de capital se matérialiser au niveau des opérations, et celles-ci sont structurées de manière à résister à des pertes plus importantes qu’en 2008. L’exemple le plus simple ce sont les titres cotés AAA de 2007 ou 2008, notamment les titres obligataires de rang inférieur, qui commençaient à subir des pertes s’il y avait 10 % de pertes cumulées sur l’opération. Cela en raison du rang inférieur de cette tranche (titres secondaires). Malgré cela, ces titres étaient cotés AAA. Nous avons aujourd’hui des obligations cotées BBB, et certaines obligations cotées A, qui bénéficient d’une protection similaire, voire légèrement supérieure. Ainsi, ce qui était auparavant coté AAA peut maintenant être coté A ou BBB. Vous avez donc beaucoup plus de titres secondaires, c’est-à-dire une protection contre les défaillances d’un ou deux ou trois prêts, et vous pouvez recouvrer les pertes en vendant la propriété. Vous êtes conscient que cela arrive souvent dans ce type d’opérations comportant, disons, 70 prêts, et que vous pouvez supporter de telles pertes. C’est le premier point. Le deuxième point est le rapport prêt-valeur qui est très important, comme nous l’avons découvert lors de la crise des prêts hypothécaires résidentiels en 2008-2009, notamment dans le secteur des prêts hypothécaires commerciaux, où l’on a observé des montants élevés d’effet de levier et de dette par rapport aux capitaux propres. Nous nous sommes entretenus avec CoStar, qui collecte des données et surveille pratiquement tous les prêts dans l’univers des TACHC. Cette société, qui a toutes sortes de statistiques sur les propriétés, a établi un rapport prêt-valeur moyen des TACHC d’environ 65. Donc, si le rapport prêt-valeur est de 65, même en tenant compte de toutes les pressions qu’ont subies les TACHC, il reste encore 35 % de fonds propres dans ces prêts à l’heure actuelle. Ce sont donc les deux principaux facteurs : les fonds propres dans l’opération, d’une part, et les titres secondaires, la protection du crédit et la structure de ces opérations, d’autre part.

Steve Peacher : Chaque fois qu’un secteur du marché est sous pression, cela signifie également que des occasions peuvent se présenter. Ainsi, sur le marché, il existe des opérations de financement par emprunt obligataire, qui sont généralement constituées d’un portefeuille diversifié de prêts, ou de prêts sur actif unique (un seul bien immobilier et un seul prêt). Avez-vous une préférence pour les opérations portant sur un seul bien immobilier plutôt que sur un portefeuille plus diversifié, et en dehors du secteur des bureaux, y a-t-il des sous-secteurs ou d’autres segments du marché des TACHC sur lesquels vous vous concentrez plus particulièrement?

D.J. Lucey : Nous avons donc un mélange d’actifs uniques et d’emprunteurs uniques, et nous avons un mélange de ces opérations ainsi que des titres secondaires. Je pense que les prêts uniques sur actif unique contractés par un seul emprunteur, au cours des 12 à 24 derniers mois, ou même dans la foulée de la pandémie de la COVID-19, sont un peu plus faciles à souscrire, parce que si vous avez un actif trophée, ce qui est typiquement le cas dans une opération sur prêt contracté par un seul emprunteur pour un seul actif, vous pouvez vous y retrouver, et vraiment savoir dans quoi vous investissez, alors qu’une opération sur titres secondaires comporte juste quelques petits prêts, disons, 80, il est très difficile d’avoir le même niveau de confort avec une opération qui comporte 79 prêts qui sont beaucoup plus petits. D’un point de vue fondamental, les prêts contractés par un seul emprunteur pour un seul actif vous permettent de cibler vos placements. Comme nous l’avons dit tout à l’heure à propos de la vente au détail, certains titres cotés A plus se portent très bien. En ce qui concerne les prêts contractés par un seul emprunteur pour un seul actif, vous pouvez vraiment les structurer de manière à protéger votre portefeuille contre les pertes, et cela à moindre coût, compte tenu de l’expansion du marché des TACHC. Selon moi, parce que les investisseurs ont gravité autour de ce thème, cela a créé des occasions vraiment intéressantes dans les titres secondaires. En effet, lorsqu’un secteur subit une forte pression et devient très détesté, cela peut parfois créer les meilleures occasions de placement. Ainsi, les meilleures opérations sur titres secondaires comportant de très bons actifs sous-jacents comportent même certains des titres du secteur des bureaux. Comme mentionné plus tôt, je pense qu’il y a une véritable bifurcation de qualité parmi les titres du secteur des bureaux, c’est-à-dire que les propriétés plus récentes assorties d’une dette raisonnable et d’un taux d’occupation élevé sont toujours des placements intéressants pour les sociétés de services financiers comme la nôtre, mais aussi pour beaucoup d’autres sociétés de services financiers. Nous pensons qu’il y a encore d’autres occasions de placement dans le secteur des bureaux. Cependant, ce secteur nécessite une analyse plus approfondie pour le moment. Il s’agit donc d’investir de manière équilibrée dans les deux secteurs. Mais, nous voyons des occasions intéressantes dans les deux secteurs du marché des TACHC.

Steve Peacher : Il y a beaucoup de choses à dire sur ce sujet. Nous pourrions probablement parler de ce secteur pendant une bonne demi-heure, parce qu’il est vaste, compliqué et qu’il y a beaucoup de facteurs qui exercent une pression sur ce dernier. Changement de propos, j’aime bien terminer par une question personnelle, mais peut-être un peu en rapport avec le sujet. Je pense que l’une des choses que nous essayons tous de comprendre, c’est si les travailleurs retournent éventuellement au bureau, et dans quelle mesure. Cela ne se produira pas probablement le mois prochain, mais qu’en sera-t-il dans cinq ans? Les travailleurs vont-ils retourner au bureau comme ils le faisaient avant la pandémie de la COVID-19? Ou s’agit-il d’un changement structurel, comme vous l’avez mentionné plus tôt? Par exemple, aujourd’hui, nous enregistrons cette émission alors que nous sommes tous les deux, je pense, à nos domiciles respectifs. Vous habituez-vous à cette nouvelle réalité? Je sais que vous avez l’habitude de travailler à un pupitre de négociation, comme la plupart des négociants de titres à revenu fixe. Mais, la COVID-19 a tout changé. En fait, nous travaillons tous, en quelque sorte, en mode hybride. Cela vous convient-il, ou préféreriez-vous travailler dans un bureau?

D.J. Lucey : Bien que je puisse vous fournir mon point de vue sur le plan personnel, il faut néanmoins que je souligne le fait que les titres de qualité supérieure dans le secteur des bureaux constituent toujours d’excellents placements. Cela étant dit, je pense qu’il est clair que la flexibilité est l’un des principaux avantages du mode hybride. Cependant, je pense que nous souffrons tous du manque de contact direct avec nos collègues, surtout durant la pandémie de la COVID-19. Nous avons tous le sentiment de nous être éloignés les uns des autres. En ce qui me concerne, j’aime bien aller au bureau de Gestion SLC, qui a adopté le modèle hybride. Je m’y rends trois jours par semaine, pour rencontrer mes collègues et avoir leur avis non seulement sur le marché, mais aussi pour renouer contact et parler, par exemple, du restaurant où ils sont allés la veille. Gestion SLC possède des bureaux dans un grand nombre de villes. Il y règne une bonne ambiance et c’est vraiment agréable d’y travailler. Je pense donc que ce modèle hybride est vraiment un modèle durable et que les travailleurs vont graduellement se rendre de plus en plus souvent au bureau, à raison de deux, trois ou quatre jours par semaine, selon leurs préférences. Je pense que cette flexibilité est très bénéfique, et qu’elle permet de trouver l’équilibre entre notre vie personnelle et notre vie professionnelle. Mais je pense que l’ancrage du bureau dans la culture et la camaraderie est une bonne chose, et je pense que les entreprises essaient actuellement de trouver un équilibre. Toutefois, je pense qu’il est important que le bureau serve de port d’attache et de repère en ce qui concerne la culture d’entreprise, et qu’il est aussi important de socialiser avec nos collègues. Pour ces raisons, je pense que les sociétés essaient vraiment de promouvoir le modèle hybride et un équilibre entre la vie personnelle et la vie professionnelle.

Steve Peacher : Le pupitre de négociation, bien qu’il facilite la communication, peut aussi être bruyant à certains moments. Le modèle hybride offre la possibilité de travailler à domicile, ou à un endroit autre que le pupitre de négociation, surtout lorsque vous avez besoin de vous soustraire au bruit incessant qui règne autour du pupitre de négociation. Sujet très intéressant. Merci, D.J., d’avoir répondu à mes questions. Je remercie également nos auditeurs d’avoir écouté cet épisode de Trois en cinq.

D.J. Lucey : Merci, Steve.

 

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