Épisode 46

13 AVRIL 2022

Brian Linde parle des marchés pétroliers

Brian Linde, directeur général et gestionnaire de portefeuille, gestion des actifs liés à l’assurance, Gestion SLC, parle de la complexité des marchés pétroliers dans le monde, et des risques de répercussions sur l’économie des États-Unis.

Steve Peacher : Bonjour chères auditrices et chers auditeurs, et merci d’être à l’écoute de cet épisode de la série « Trois en cinq ». Je suis Steve Peacher de Gestion SLC. Aujourd’hui, je suis en compagnie de Brian Linde, qui est gestionnaire de portefeuille de notre division Gestion d’actifs liés à l’assurance dans les environs de Seattle. Je l’ai invité afin de parler des prix du pétrole, qui font de toute évidence les manchettes, surtout en cette période de grands bouleversements. Merci, Brian, d’avoir accepté mon invitation.

Brian Linde : Bonjour Steve, je suis très heureux de m’entretenir avec vous aujourd’hui.

Steve Peacher : Il ne fait aucun doute que la situation en Ukraine a entraîné des sanctions à l’encontre de la Russie, notamment l’embargo pétrolier par les États-Unis, ainsi que diverses autres réactions dans le monde. Or, quelles en ont été les répercussions sur les prix énergétiques dans le monde?

Brian Linde : Donc, fondamentalement, les sanctions à l’encontre de la Russie, notamment l’embargo pétrolier, maintiendront les prix du pétrole au-dessus de leur moyenne historique pendant une assez longue période, avec le risque qu’ils augmentent davantage. La Russie produit 10,5 millions de barils de pétrole par jour, ce qui représente 10 % de la production de pétrole dans le monde et fait de la Russie le troisième plus important producteur, derrière les États-Unis et l’Arabie saoudite. Soulignons au passage que la Russie exporte 6,5 millions de barils de pétrole et de produits pétroliers ce qui fait de ce pays le deuxième plus important exportateur, juste derrière l’Arabie saoudite, donc l’importance de ce joueur ne peut être assez soulignée. Les États-Unis et l’Europe importent à eux seuls environ 4,3 millions de barils de pétrole de la Russie. Donc, si nous éliminons 4 millions de barils par jour des exportations de la Russie, en supposant qu’un embargo total frappe éventuellement le pétrole de ce pays, cela entraînerait une flambée des prix du pétrole sans précédent. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a remarqué que les sanctions actuelles et la réticence de certaines compagnies maritimes à accepter de transporter le pétrole de la Russie pourraient éliminer plus de trois millions de barils par jour de la production pétrolière, ou effectivement 3 % de la demande à l’échelle planétaire. Cela entraînerait la cinquième plus importante perturbation du marché du pétrole en un seul mois depuis la Seconde Guerre mondiale. Cependant, il est assez difficile de surveiller combien de pétrole la Russie exporte actuellement dans le monde, car certains bateaux ont éteint leurs balises de navigation afin d’éviter d’être frappés de sanctions. La question tout à fait logique qui nous vient à l’esprit est la suivante : où trouverons-nous trois millions de barils de pétrole de capacités de réserve dans le monde, alors que le marché de l’énergie, presque dans l’ensemble, a sous-investi dans les projets de production de pétrole tout au long de la pandémie de COVID-19? Or, si on répertorie les capacités de réserve dans le monde, on se rend compte qu’elles se trouvent principales dans les pays membres de l’OPEP, notamment l’Arabie saoudite, qui dispose d’une capacité de réserve de 1,3 million de barils par jour, suivie des Émirats arabes unis, 1,2 million, et de l’Irak, 500 000 barils par jour. Cependant, les termes de l’accord conclu avec l’OPEP Plus ne permettent pas aux pays membres de compenser toute diminution des exportations d’autres membres. Dans le passé, les Saoudiens auraient été les producteurs de réserve; cependant, ils sont très mal à l’aise de jouer ce rôle, compte tenu des prix élevés du pétrole. En outre, la capacité de production est probablement beaucoup moins élevée qu’elle ne l’a été au début de la crise sanitaire, car les activités de forage ont fortement diminué au cours de la dernière année. Cela est probablement mis en évidence par le fait que l’OPEP Plus n’a pas atteint sa production mensuelle cible de 400 000 barils par jour pour le huitième mois consécutif. Une autre source d’approvisionnement serait l’Iran. Toute levée partielle des sanctions à l’encontre de l’Iran se traduirait par l’exportation d’environ 1,3 million de barils par jour. Ce scénario semblait beaucoup plus probable il y a quelques semaines, mais la semaine dernière, les États-Unis ont frappé les principaux acteurs en Iran, responsables du programme de missiles balistiques, de nouvelles sanctions. Il est donc fort peu probable que les deux pays parviennent à un accord nucléaire à court terme. Une autre source potentielle d’approvisionnement serait le Venezuela, qui pourrait potentiellement exporter 400 000 barils par jour et augmenter sa production à 1,2 million de barils. Mais le Venezuela est aussi frappé de sanctions des États-Unis depuis 2019. Enfin, à l’échelle nationale, les États-Unis ont produit une grande quantité de schiste bitumineux au cours de la dernière décennie. Cependant, cela n’est pas actuellement une solution viable, étant donné le décalage dans les investissements et le temps nécessaire (calculé en mois) pour forer de nouveaux puits. En outre, le secteur des services pétroliers fait déjà face à des délais très courts, ce qui limite leur capacité d’augmenter la production de manière significative dans un proche avenir. Donc, pour compenser la diminution, voire l’arrêt complet des importations de barils de pétrole de la Russie, cela nécessiterait le déploiement d’énormes efforts de la part de nombreuses nations qui ne sont pas tout à fait alignées, notamment l’Arabie saoudite, l’Iran, les Émirats arabes unis, l’Iraq, le Venezuela et les États-Unis. Fait intéressant, même si les sanctions à l’encontre de la Russie étaient complètement levées, je ne m’attends pas à ce que les compagnies énergétiques occidentales se réinstallent en Russie, car l’exode des cerveaux et la fuite technologique que cela entraînerait se traduiraient probablement par une plus faible production de pétrole en Russie à l’avenir. En fin de compte, afin d’équilibrer l’approvisionnement et la demande en pétrole, il doit y avoir une importante rupture de la demande, qui peut être notamment causée par la hausse des prix.

Steve Peacher : Il peut être difficile pour nos auditeurs qui ne suivent pas de très près l’évolution du marché du pétrole de concevoir la production d’un million de barils de pétrole par jour. Et, les États-Unis viennent tout juste de faire une annonce importante, soit la libération d’un million de barils par jour, si je ne m’abuse, pendant 108 jours, ce qui représente la plus importante libération de barils de pétrole de l’histoire. Cela peut sembler être des chiffres colossaux, et pourtant, cela ne représente pas de si grandes quantités, compte tenu des chiffres que vous avez cités plus tôt. Quelle incidence, selon vous, cette annonce aura-t-elle sur les marchés et les prix du pétrole?

Brian Linde : Oui, en effet, Steve, comme vous l’avez mentionné, cela est effectivement la plus importante libération de barils de pétrole de l’histoire. Cent quatre-vingts barils au total, cela est quatre fois plus que la dernière libération historique de barils. Au cours des cinq derniers mois, l’administration Biden a annoncé la libération de 260 millions de barils. Il est donc vraiment important de souligner ici qu’à ce point-ci, après cette annonce, les États-Unis auront épuisé leur capacité de réserve, et ils ne pourront plus libérer d’autres barils de celle-ci sans d’abord l’accroître de nouveau. Cette nouvelle libération diminue la capacité de réserve d’un tiers. Dans le passé, la libération des réserves stratégiques d’hydrocarbures n’a pas été très efficace pour contrôler les prix, car elle n’a pas résolu le problème structurel de l’offre et de la demande. En fin de compte, la libération des réserves stratégiques d’hydrocarbures pourrait exercer une pression à la baisse à court terme et empêcher les prix d’atteindre des niveaux que tous redoutent. Cependant, ils ne règlent pas le déficit à long terme du marché du pétrole qui a été causé par des années de sous-investissement. Essentiellement, la récente libération de barils de pétrole a pour effet de maintenir les prix plus élevés pendant une plus longue période. Les bas prix du pétrole en 2022 ont effectivement soutenu la demande en pétrole et ralenti la production de schiste bitumineux, ce qui a reporté le déficit à 2023, ainsi que le besoin éventuel de recharger les réserves stratégiques d’hydrocarbures, dont le coût serait d’environ 80 dollars par baril, selon les rumeurs. Donc, il est important de retenir que les prix du pétrole demeureront plus élevés plus longtemps. Selon certains commentateurs, les grands gagnants seront probablement la Chine et l’Inde, qui achètent actuellement le pétrole brut de la Russe à des prix minimarges importants, réduits à plus de 30 %. D’autres commentateurs vont jusqu’à avancer l’hypothèse que nous serions en train d’assister à un transfert de ressources et de sécurité énergétique des États-Unis à la Chine, car la Chine est probablement le bénéficiaire net des sanctions sur le pétrole russe.

Steve Peacher : Il est bon que vous souligniez les répercussions des sanctions sur le pétrole russe, car cela démontre combien le monde est complexe. Quelle est votre perspective des prix du pétrole, Brian? Je sais que vous surveillerez les prix de près et qu’ils fluctueront probablement, mais pourriez-vous nous faire part de vos prévisions, sans pour autant préciser un calendrier?

Brian Linde : […] Tout ce que j’ai souligné au cours de notre entretien porte à croire que les prix demeureront élevés dans un avenir prévisible. Je dirais que pour cette année, le prix de base sera de 100 dollars le baril. Mais, le risque de hausse est réel, et j’anticipe que le prix du baril pourrait atteindre 120 dollars en moyenne jusqu’à la fin de l’année. Cela ne me surprendrait pas. Si nous avons vraiment besoin que se produise une rupture de la demande d’ici la fin de l’année, le prix du pétrole devra dépasser les 150 dollars le baril. Non pas que quiconque souhaite une telle chose, mais fondamentalement, les prix devront dépasser les 150 dollars pour provoquer une rupture de la demande. Donc, j’anticipe que le prix du baril pourrait atteindre les 120 dollars. J’espère me tromper au sujet du prix de base. Néanmoins, j’anticipe que les prix se maintiendront dans une fourchette allant de 100 dollars à 120 dollars.

Steve Peacher : D’accord, merci. Compte tenu de la situation, envisagez-vous d’acheter une Tesla?

Brian Linde : Oui, tout à fait!

Steve Peacher : Notre entretien tire à sa fin, et si vous me le permettez, j’aimerais vous poser une question personnelle. Comme je l’ai mentionné au début de l’entretien, vous habitez aux environs de Seattle. Or, vous êtes un grand amateur de sports. Je voulais vous demander ce que vous pensez de l’échange de Russell Wilson aux Broncos de Denver?

Brian Linde : C’est effectivement le genre de nouvelle qui me touche particulièrement. Pour être franc, je n’ai pas moins de six jerseys de Russell Wilson chez moi. Ils ne sont pas tous les miens, car mes deux jeunes enfants sont aussi de grands partisans de Russell Wilson. Oui, je l’admets, ce fut difficile d’avaler cette nouvelle. Russell a beaucoup donné à notre communauté, en plus d’être un excellent quart-arrière pendant une décennie pour notre équipe. Je n’aurais jamais cru qu’il pourrait porter un autre jersey, surtout pas le jersey orange des Broncos! Très dur à avaler. Je crois que les deux prochaines années ne seront pas très bonnes, pour être franc. Néanmoins, il a beaucoup donné à notre communauté. Je vais sans aucun doute continuer d’être un fidèle supporteur, mais ce sera difficile de me ranger du côté des Broncos au cours du prochain Super Bowl.

Steve Peacher : Les jerseys que vous avez à la maison sont maintenant des pièces de collection; c’est le côté positif, je crois.

Brian Linde : J’ai un ami qui habite à Denver et qui est un grand partisan des Broncos. Il m’a suggéré de teindre mes jerseys blancs de Russell Wilson de couleur orange, afin de les vendre.

Steve Peacher : Merci, Brian, de nous avoir fait part des récents développements dans les marchés du pétrole. Je crois que nous comprenons un peu mieux la situation. Je remercie également nos auditeurs d’avoir écouté cet épisode de la série « Trois en cinq ». À bientôt.

Brian Linde : Merci, Steve.

 

1 https://www.dallasfed.org/research/economics/2022/0322

 

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