Episode 56

22 JUIN 2022

Tim Boomer parle d’investissements guidés par le passif dans un contexte de hausse des taux d’intérêt

Tim Boomer, directeur général principal et chef des Solutions pour les Clients, Gestion SLC, parle des répercussions de la hausse des taux d’intérêt sur les promoteurs de régimes et des points que ceux-ci doivent prendre en considération en ce qui a trait aux investissements.

Steve Peacher : Bonjour chères auditrices et chers auditeurs. Ici Steve Peacher de Gestion SLC; merci d’écouter cet épisode de la série Trois en cinq. Aujourd’hui, j’ai le plaisir de recevoir de nouveau Tim Boomer, directeur général principal et chef des Solutions pour les Clients, Gestion SLC. Merci, Tim, d’avoir accepté mon invitation.

Tim Boomer (il/lui) : Tout le plaisir est pour moi, Steve.

Steve Peacher : Aujourd’hui, j’aimerais m’entretenir avec vous au sujet des investissements guidés par le passif dans le cadre des régimes de retraite, un sujet que j’ai abordé récemment lors d’un récent balado de la série Trois en cinq avec Tom Murphy. J’avais aussi eu récemment un entretien avec vous, Tim, lors duquel nous avions parlé de l’amélioration du niveau de provisionnement des régimes de retraite à prestations déterminées, ce qui est, selon moi, attribuable en grande partie à la hausse des taux d’intérêt. Mais, les marchés boursiers ont depuis fait l’objet de beaucoup de volatilité. Comme votre équipe et vous-même êtes en contact avec les promoteurs de régimes, j’aimerais que vous partagiez avec nos auditeurs les préoccupations de ces derniers en ce qui a trait au niveau de provisionnement des régimes de retraite à prestations déterminées.

Tim Boomer (il/lui) : Avec plaisir, Steve. Je crois que vous avez frappé en plein dans le mille. Le niveau de provisionnement s’est, dans l’ensemble, amélioré de manière stupéfiante. Aux États-Unis, le niveau moyen d’approvisionnement des régimes de retraite à prestations déterminées, selon la méthode de calcul que vous employez, est probablement de près de 105 % à l’heure actuelle, ce qui représente une hausse de près de 7 % depuis le début de l’année, et d’environ 15 % depuis la fin de 2020[1]. L’on remarque d’autres améliorations au cours de la même période. Par exemple, au Canada, le ratio de solvabilité est probablement en hausse de 10 %[2]. Comme vous l’avez mentionné, presque tous les analystes s’entendent pour dire que les ventes massives ainsi que l’élargissement des écarts de taux sont ce qui a entraîné ces améliorations. Ces deux facteurs contribuent aussi à générer des taux d’actualisation plus élevés, ce qui diminue le passif et augmente le niveau d’approvisionnement. En ce qui concerne les réactions des promoteurs de régime, elles sont mitigées. Certains ont déjà pris des mesures pour atténuer les risques à mesure que le niveau d’approvisionnement s’améliore. Et, nous avons effectivement observé ces mouvements de fonds s’opérer, des actifs de croissance aux actifs de couverture dans les portefeuilles suivant une stratégie d’ajustement progressif. En revanche, d’autres promoteurs de régime préfèrent attendre, car ils croient que les taux pourraient augmenter davantage. J’hésite toujours à dire aux gens combien de risque ils devraient prendre. Nous travaillons très étroitement avec les promoteurs afin de comprendre le risque et de le quantifier, mais en fin de compte, ce sont les promoteurs de régimes eux-mêmes qui savent combien de risque ils sont en mesure de prendre dans leurs régimes de retraite. Il me semble que le moment est opportun pour immobiliser les gains générés par l’amélioration des niveaux d’approvisionnement. Nous avons traversé des périodes comme celle-ci dans le passé, au cours desquelles les niveaux d’approvisionnement se sont améliorés. Ces périodes ont été de courte durée. Les promoteurs de régimes courent donc le risque de perdre les gains s’ils ne les immobilisent pas. Enfin, en ce qui concerne la hausse des taux, il est important de se garder à l’esprit que les courbes de rendement ont déjà pris en compte les attentes du marché quant à l’évolution des taux. Donc, si nous n’immobilisons pas les gains, cela signifie que non seulement nous croyons que les taux vont probablement augmenter, mais nous croyons qu’ils augmenteront davantage ou plus rapidement que ce que prévoit la plupart des analystes. Selon mon expérience, peu de gens savent à quel moment il est opportun de prendre une telle décision.

Steve Peacher : Cela pourrait sembler contre-intuitif, pour certains de nos auditeurs qui ne sont pas très familiers avec les stratégies d’investissements guidés par le passif et le niveau d’approvisionnement des régimes de retraite, de croire que les niveaux d’approvisionnement s’améliorent, alors que les marchés boursiers font l’objet d’une volatilité baissière. En fait, les niveaux d’approvisionnement sont très sensibles aux fluctuations des taux d’intérêt. Une hausse de ceux-ci est en fait aussi bénéfique pour les niveaux d’approvisionnement que l’élargissement des écarts de taux. Donc, compte tenu de cette amélioration stupéfiante des niveaux d’approvisionnement, en moyenne, de plus de 100 %, les promoteurs doivent prendre des mesures pour atténuer le risque. Quels sont, d’après vous, les points qu’ils doivent prendre en considération, ou les mesures qu’ils doivent prendre tout particulièrement?

Tim Boomer (il/lui) : Selon moi, nous devrions garder à l’esprit que la hausse des taux est effectivement bénéfique pour les régimes de retraite. Lorsque l’on jette un coup d’œil à la performance globale des titres à revenu fixe, nous misons sur un rendement supérieur à celui des indices de référence. Cependant, lorsque ces indices de référence sont en baisse, c’est généralement de bonnes nouvelles pour les promoteurs de régimes de retraite, car cela réduit considérablement leur passif. Compte tenu de l’amélioration des niveaux d’approvisionnement, tant Gestion SLC que les autres gestionnaires d’investissements guidés par le passif devraient, selon moi, réduire le risque de plusieurs régimes de retraite à prestations déterminées dans le contexte actuel. Les régimes de retraite ont tendance à avoir un profil de risque légèrement asymétrique. Donc, lorsque les niveaux d’approvisionnement augmentent, ils ont plus à perdre qu’à gagner. Bien entendu, chaque cas est unique, mais dans tous les cas, les promoteurs de régime devraient immobiliser une partie des gains générés par les niveaux d’approvisionnement, notamment en réduisant l’exposition aux actions, en augmentant le ratio de couverture en fonction du niveau d’approvisionnement actuel, et en couvrant une partie de l’exposition aux écarts de taux inhérents au passif. La situation est plus nuancée lorsqu’un portefeuille géré selon la stratégie d’ajustement progressif se rapproche de la date cible. D’abord, les actifs se concentrent plus dans certaines catégories. Aux États-Unis, les actifs se concentrent généralement dans les obligations de sociétés de première qualité et les obligations du Trésor. Au Canada, les actifs pourraient se concentrer dans des obligations de sociétés et des obligations provinciales. Ensuite, les promoteurs de régimes ratent délibérément les occasions d’encaisser une partie des gains qui pourraient être générés par leur répartition dans les actions. Or, les promoteurs devraient faire certaines choses. D’abord, ils devraient toujours jeter un coup d’œil dans le portefeuille de titres à revenu fixe dans lequel plus d’actifs ont été répartis pour vérifier s’il y a plusieurs gestionnaires, quels avoirs et styles sont superposés, et quel est l’écart de suivi par rapport au passif. Puis, ils devraient se poser la question, à savoir si l’exposition au crédit, dans le portefeuille, est diversifiée. La deuxième chose qu’ils devraient faire est de tenter de déterminer ce qui entraînera probablement la volatilité des niveaux d’approvisionnement à l’avenir, car ce pourrait être un facteur différent de celui qui a entraîné leur volatilité dans le passé. Donc, habituellement, lorsque les portefeuilles axés sur la stratégie d’ajustement progressif se rapprochent de la date cible, ils ont tendance à couvrir les risques liés aux actions et à la duration dans leur ensemble, ce qui signifie que les risques plus nuancés, comme le risque de crédit et le risque lié à la courbe de rendement, peuvent en fait devenir les plus importants facteurs de volatilité des niveaux d’approvisionnement. Pour cette raison, les solutions personnalisées sont plus intéressantes pour les régimes de retraite qui se rapprochent de la date cible. Enfin, les promoteurs de régimes devraient déterminer s’il y a d’autres façons de développer l’outil d’atténuation des risques. Tout particulièrement aujourd’hui, nous voyons beaucoup de valeur dans des catégories d’actif, comme le crédit privé de première qualité, les titres immobiliers ou liés aux infrastructures, qui ne sont ni des instruments de croissance ni des instruments de couverture à proprement parler. Ce sont des actifs que les compagnies d’assurance ont utilisés pour couvrir le passif à long terme, et qui offrent des gains supplémentaires et la diversification, notamment dans les portefeuilles composés principalement d’actifs traditionnels. En outre, ils peuvent également générer des flux de trésorerie à long terme qui peuvent servir à payer les prestations.

Steve Peacher : Vos commentaires, selon moi, démontrent la complexité de tout cela, surtout lorsque l’on tente de déterminer tous les facteurs qui doivent être pris en considération afin de construire des portefeuilles optimaux dans un contexte donné et selon le niveau d’approvisionnement. Comme nous l’avons mentionné plus tôt, ce n’est pas seulement la hausse des taux qui doit être prise en considération. Je brûle de vous poser une question technique, étant donné que vous êtes actuaire. À part les améliorations évidentes aux régimes de retraite découlant de la hausse des taux, quelles sont les autres implications pour les promoteurs de régimes dans le contexte actuel?

Tim Boomer (il/lui) : J’essaie effectivement d’éviter autant que possible de faire des commentaires du point de vue actuariel. Je sais que ma mère aime écouter ces balados et qu’elle arrêtera probablement d’écouter celui-ci à ce point-ci. Je vais essayer de fournir des explications dans un langage simple et clair. En général, les principes des investissements liés au passif sont relativement simples. Et, la plupart des investisseurs peuvent faire plusieurs choses très simples liées à ces principes. Ça se complique lorsque les portefeuilles se rapprochent de la date cible, comme je l’ai mentionné plus tôt. En ce qui a trait aux autres implications du contexte actuel sur les régimes de retraite, je pense aux régimes ouverts, ceux qui versent encore des prestations, ou dont les prestations sont indexées à l’inflation ou augmentent selon d’autres règles. Ces régimes sont beaucoup plus courants au Royaume-Uni et au Canada. Nous devons vraiment être conscients des répercussions de l’inflation sur les hypothèses sur lesquelles nous nous fondons, ainsi que sur les niveaux d’approvisionnement. Je crois que ce sera intéressant de voir la manière dont les actuaires prendront en compte les perspectives d’inflation, car je ne suis pas certain qu’il y ait un consensus, à l’heure actuelle, quant à la persistance de l’inflation, ou l’efficacité de la politique de la Banque centrale pour la contrôler à long terme. Puis, aux États-Unis, tout particulièrement, les régimes de retraite fondés sur le solde de trésorerie sont très intéressants, compte tenu des conditions de marchés actuelles. Habituellement – pour ceux qui ne sont pas familiers avec les régimes de retraite fondés sur le solde de trésorerie – ils sont souvent la portion ouverte de régimes de retraite à prestations déterminées, et ils ont une structure de prestations légèrement différente. Mais, ils sont souvent intégrés et investis en même temps que les régimes de retraite traditionnels avec salaires de fin de carrière, ce qui peut être très efficace. Dans d’autres cas, cela pourrait ne pas s’avérer efficace ni atteindre les objectifs. Dans le cas des régimes de retraite fondés sur le solde de trésorerie, il est très important d’analyser la relation entre deux hypothèses : le taux auquel nous prévoyons verser les prestations – ou le taux d’intérêt créditeur – et le taux d’actualisation que nous utilisons. Et, la relation entre ces deux hypothèses peut vraiment être source de risque dans le régime. Ce que nous avons récemment observé est le grand nombre de régimes de retraite fondés sur le solde de trésorerie dont l’une de ces hypothèses comporte un défaut d’un taux d’intérêt créditeur minimum. Il y a longtemps que nous n’avions pas vu les taux d’intérêt atteindre ce seuil, voire le dépasser, ce qui a pour conséquence de faire fluctuer très fortement la duration, ou le risque d’exposition, d’un régime de retraite, ce que, en tant qu’actuaire, je trouve assez intéressant. En fait, tout le monde devrait trouver cela intéressant, car cela engendre des solutions de couverture vraiment intéressantes. J’invite donc quiconque a un régime de retraite fondé sur le solde de trésorerie et veut en parler plus longuement de ne pas hésiter à communiquer avec moi.

Steve Peacher : C’est amusant que vous mentionniez votre mère. La mienne m’avait envoyé un courriel, il y a quelques mois, pour me dire qu’elle avait écouté les balados de la série Trois en cinq […] Tim, vous avez partagé beaucoup d’informations avec nos auditeurs, et nous pourrions parler plus longuement de plusieurs points, malheureusement, nous manquons de temps. En effet, l’entretien tire à sa fin et, fidèle à mon habitude, j’aimerais vous poser une question personnelle. Lors de notre entretien précédent, nous avions parlé de votre sport favori, le surf, et nous avions parlé de votre rencontre avec des requins, je crois. Puis, j’ai appris que vous aviez récemment eu une autre mésaventure en faisant du surf. Pourriez-vous nous raconter en 20 secondes ce qui s’est passé?

Tim Boomer (il/lui) : Lors du dernier entretien, je n’avais pas encore eu d’interactions véritables avec les requins. Par la suite, je suis allé faire du surf, et j’ai reçu un coup de planche sur le nez. Le plus embarrassant était que c’était ma propre planche qui m’a assené un coup sur le nez. Mon nez était brisé et je me suis mis à saigner. Le plus intéressant est que personne n’est venu à mon secours, bien que j’étais couché sur ma planche et que je saignais abondamment. Je crois que c’était par crainte de voir des requins s’approcher de moi. Mais, le plus drôle est que ce jour-là, ma mère était venue me voir faire du surf. Je suis sorti de l’eau couvert de sang, de la tête aux pieds, et comme tous les hommes, j’étais content que ma mère soit là, bien qu’elle fût affolée de me voir dans cet état!

Steve Peacher : Vous devriez penser à une version plus « homme » si l’on vous demande pourquoi vous avez le nez cassé… peut-être devriez-vous raconter que vous vous êtes bagarré dans un bar! Enfin, merci, Tim, d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. Et, je remercie nos auditeurs, et tout particulièrement nos mères, d’avoir été à l’écoute de cet épisode de la série Trois en cinq.

Tim Boomer (il/lui) : Merci, Steve.

 

[1] Le niveau d’approvisionnement pour le mois courant est estimatif et peut être modifié après que les données définitives sont publiées. Les données sont celles des indices de référence Bloomberg.

[2] Le taux de rente approximatif (réel) représente l’écart de taux approprié à ajouter aux rendements moyens des obligations négociables du gouvernement du Canada de plus de 10 ans (série V39062 du CANSIM) comme approximation du rendement provenant de la souscription de rentes pour un régime de retraite de durée moyenne, tel qu’il est publié dans les notes éducatives sur les hypothèses pour les évaluations de liquidation hypothétique et de solvabilité à différentes dates de calcul de l’Institut canadien des actuaires (« ICA ») (les « notes éducatives de l’ICA »). Les écarts de taux des obligations de sociétés et des obligations provinciales sont de durée neutre.

 

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